Avec mon copain (Auteur: Pierre)

Lorsque j'étais jeune, des gens ont fait construire une belle et grande maison en face de chez nous. Ils avaient un fils, Richard, qui était de mon âge, un an de plus peut-être. Nous avons fait connaissance, nous sortions ensemble , nous nous retrouvions pour écouter de la musique,  bref , nous nous entendions bien et nous sommes devenus copains.

Et puis un jour je me suis retrouvé seul chez Richard. Il n'y avait que nous dans la maison. Il pleuvait, nous nous ennuyions pas mal, et je ne sais comment nous avons eu l'idée, sans en parler, de monter dans le grenier de cette belle maison.  Une fois grimpé l'escalier, Richard a refermé la porte à clé. Nous étions tous les deux sous le toit, et sans un mot , sans nous être en rien concertés, nous nous sommes mis torse nu, chemises jetées négligement dans un coin. Richard était tout comme moi, athlétique, grand et musclé. Sans un mot, nous nous sommes mis en garde, nous provoquant du regard, et nous nous sommes violemment jetés l'un sur l'autre.

Pourtant, nous n'avions aucune raison de nous battre. Mais nous nous sommes pris au corps à corps pour le plaisir de lutter, de nous mesurer, de nous prouver sans doute notre virilité. Et nous nous sommes battus, nous avons lutté sans merci sur le sol en contre-plaqué, ne nous faisant aucun cadeau. Assez vite, Richard a eu le dessus. Il m'a plaqué au sol, me tenant sur le dos, et je le sentai savourer sa supériorité en me maintenant fermement sous son emprise. Paradoxalement, j'aimai sentir son poids immobiliser mon corps. Il a fait mine de m'étrangler, comme les catcheurs à la télé, c'était l'époque du Bourreau de Béthune, et nous en parlions fréquemment.

Nous nous racontions les matchs vus à la télé , nous aimions ça, et je me rappelle que lorsque un jour je lui avais décris la bagarre que j'avais vue en ville entre deux automobilistes pour une  place de parking prise à l'arraché il semblait fasciné rien qu'en entendant le récit. Bref nous étions sur la même longueur d'ondes, et nous prenions du plaisir à nous castagner.

Il s'est relevé, me libérant, et notre corps à corps  a repris mais là il m'a laissé prendre le dessus et je l'ai terrassé le bloquant par une clé. Il me demandait de le lâcher, disant que j'étais le plus fort, il me suppliait de l'épargner; alors je l'ai laissé se relever.

A nouveau  face à face,nous nous sommes jetés à nouveau l'un sur l'autre. Il fallait en finir. Bien sûr, il m'a terrassé très vite, il a eu le dessus; dans un souffle, il m'insultait, en me collant la main sur la bouche pour m'empecher de gueuler. Cet affrontement nous a procuré un plaisir que nous n'avions pas envisagé. Du coup, nous n'en n'avons jamais reparlé, et nous ne nous sommes jamais plus battus.


Reçu le 31 décembre 2002. Publié le 2 février 2003.

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