Ce récit envoyé par un de nos visiteurs est extrait d'un roman. S'il ne fait pas encore partie du domaine public, merci de me prévenir afin que je le retire du site.
On fut debout de très bonne heure. La
fièvre des compétitions sportives excitait les esprits, aussitôt
après le petit déjeuner ; la discussion s'engagea, vive et
joyeuse, entre Jean-Paul Léonec et 'Victor Raquet' d'une part,
Antonin Rascas et Luc Badoit' d'autre part Patrice Bon, Laurent
Tramel, Olivier Pilleux, Wabask et Nez-Subtil lui-même furent
consultés. Enfin les décisions, étant prises, l'on s'occupa
tout de suite d'organiser les petits matches.
De sa voix. puissante et gaie, Antonin Rascas proclama.:
1° Course à pied sur cent mètres entre les quatre
compétiteurs;
2° Match de boxe en cinq reprises de deux minutes entre Luc
Badoit et Victor
Raquet ;
3° Saut en hauteur, saut en longueur, saut à la perche, aussi
entre les
quatre garçons.;
4° Tir à la carabine et tir au browning7 entre les quatre
garçons ;
5° Match de lutte à mains plates entre Jean-Paul Léonec et
Antonin
Rascas.
Règle générale. Les points seront comptés par équipe et non
par individus.
Et dès lors, dans un ordre parfait, avec une rapidité qui ne
laissa place à aucun entracte, les cinq petits matches furent
successivement tenu.
La course a pied favorisa très nettement la seconde équipe,
grâce à la vélocité vraiment extraordinaire de Luc Badoit.
Chose inattendue, le deuxième match, c'est-à-dire la boxe en
cinq reprises
de deux minutes, établit la balance en favorisant la première
équipe, Victor Raquet ayant très visiblement dominé des la
première reprise son adversaire Luc Badoit.
- Certes, le petit Totor était moins fort musculairement que son
compatriote mais il avait une détente des muscles beaucoup plus
rapide, des décisions plus vives et des facultés de ruse et
d'à propos qui lui permirent de placer des coups droits ou des
coups de revers avant même que Luc Badoit pût exercer la
moindre défense.
Bien entendu, tout en y allant loyalement et avec force, les deux
garçons ne cherchaient pas à se faire mal, mais quand même Luc
Badoit eut l'il gauche poché, l'oreille droite
légèrement fendue et les côtes marquées de bleus.
Quant à Victor Raquet, qui n'avait reçu, pendant tout le
combat, Qu'un seul coup de poing en pleine figure, il s'en tira
avec un fort saignement de nez.
La troisième épreuve, se composant de divers sauts habituels
donna de nouveau l'avantage à la seconde équipe à cause de la
prodigieuse agilité de Luc Badoit et de la puissance musculaire
des jambes sèches et longues d'Antonin Rascas.
Le quatrième match, fait de tir à la carabine et au browning,
laissa les deux équipes à égalité, car Jean-Paul Léonec tira
sensiblement beaucoup mieux qu'Antonin Rascas. Victor Raquet et
Luc Badoit firent le même nombre de points, inférieur
d'ailleurs à ceux du boy-scout marseillais lui-même
- Jeunes hommes, proclama Margaret Green qui avait pris son rôle
au sérieux, vous êtes à égalité ; chacune des deux équipes
totalise le même nombre de points ; si la dernière épreuve,
c'est-à-dire la lutte à mains plates, n'est pas franchement
décisive en faveur d'un lutteur contre son adversaire, nous
devrons établir un match supplémentaire, une sorte de finale
entre champions, c'est-à-dire entre les deux d'entre vous,
d'équipe différente, qui auront rassemblé chacun le plus grand
nombre de
points.
- C'est accepté, bagasse ! proclama Rascas.
- Entendu ! fit Jean-Paul Léonec.
Alors s'engagea la cinquième partie du match, c'est-à-dire la
lutte à mains plates entre Jean-Paul Léonec et
Antonin Rascas. Les deux garçons s'étaient mis à peu près
nus, ne gardant que leur caleçon bien serré à la taille par
une cordelette et retroussé le long des jambes jusqu'à
mi-cuisse. Le sol sec, couvert d'une herbe fine et drue,
constituait une excellente arène.
--Ce fut le moment le plus intéressant de la matinée. Non
seulement il présentait l'intérêt sportif d'une conclusion
possible en faveur de l'une ou l'autre équipe mais encore il
opposait deux garçons de différente structure physique, de
taille sensiblement égale, musclés, bien bâtis et pleins d'une
ardeur formidable, puisqu'ils étaient l'un et l'autre les chefs
de leur équipe dans le Grand Match.
La lutte fut longue. Il semblait que jamais le Breton ne
plaquerait sur le sol les deux épaules du Marseillais, et que
jamais le Marseillais ne pourrait vaincre le Breton.
A tout instant, il semblait que l'un ou l'autre allait être
écrasé du dos sur l'herbe foulée ; mais un rien, une torsion
de reins, un rejet du coude, un soubresaut quelconque intervenait
à point ; alors celui qui paraissait devoir être vaincu
bousculait son adversaire et semblait tout aussitôt devoir être
vainqueur.
Mais voilà que soudain, peut-être à la faveur d'un glissement
de pied, Antonin Rascas eut un vacillement en arrière.
Avec un à propos foudroyant, Jean-Paul Léonec en profita et
plaqua les deux épaules du Marseillais contre le sol.
- Il touche ! il touche crièrent tous les spectateurs.
Les deux adversaires un peu essoufflés et se redressèrent
ensemble mais Nez-Subtil prononça :
- Ce n'est pas décisif à mon avis. Il est évident que le pied
d'Antonin a glissé. L'on peut, si l'on veut, considérer comme
définitive la victoire de Jean-Paul et par conséquent de la
première équipe : mais je demande au Jeune-Chef lui-même s'il
n'estime pas qu'il devrait donner la revanche au Chef-Ardent.
Qu'en penses-tu, Biche aux Cheveux d'Or ?
Très grave, la jeune fille répondit
- Je suis tout à fait de ton avis, Nez-Subtil Si la seconde
manche est de nouveau à l'avantage de Jean-Paul Léonec, le
doute ne sera plus permis et la première équipe aura gagnée.
Si au contraire cette seconde manche favorise Antonin Rascas, les
deux équipes seront égales de nouveau : alors aura lieu la
finale des champions. Elle pourra être constituée par la belle
de la lutte à mains plates. "En effet, si nous additionnons
tous les points, nous voyons que les champions de toute la série
des matchs sont le Jeune-Chef et le Chef-Ardent, ainsi que tu les
nommes si justement, mon cher Nez-Subtil. Donc, la belle du match
de lutte à mains plates constituerait exactement la finale des
champions.
La proposition de Nez-Subtil complétée par celle de Margaret
Green était parfaitement sportive. En
conséquence, elle fut adoptée par les quatre concurrents.
Aussitôt Margaret Green donna le signal et le Breton et le
Marseillais recommencèrent la lutte.
Cette fois, sans qu'il y eût glissade, mais peut-être par suite
d'une douleur brusque causée par un petit caillou dissimulé
dans l'herbe, Jean-Paul eut presque tout de suite le dessous, et
Antonin le fit toucher des deux épaules.
Des applaudissements éclatèrent unanimes, puisque ce coup
rétablissait l'égalité.
- Eh bien ! fit Margaret en riant, ce que j'avais prévu est
arrivé ; tout va être décidé par la finale des
champions. Voulez-vous cinq minutes de repos ?
- Non ! non ! répondirent d'une même ardeur Jean-Paul et
Antonin.
- Alors unissez vos mains et allez-y !
L'on devine avec quel passionnant intérêt tous les spectateurs
regardaient la lutte.
Soudain, alors que tous les spectateurs et les deux juges se
demandaient si l'un des deux adversaires aurait raison de l'autre
avant que tous les deux fussent complètement épuisés, Antonin
Rascas, par un ceinturage merveilleusement opportun, souleva tout
le corps de Jean-Paul Léonec et, se laissant tomber sur lui et
avec lui, le coucha de tout son long sur l'herbe.
Non seulement les deux épaules du Breton, mais encore tout son
dos fut
plaqué et enfoncé dans l'herbe...
- Stop s'écria Margaret Green en levant la main droite.
Et tandis que Antonin debout et donnant la main à Jean-Paul
aidait son adversaire à se relever, la jeune Américaine
proclama - La finale des champions ayant incontestablement donné
la victoire au boy-scout marseillais Antonin Rascas contre le
civil breton Jean-Paul Léonec, je déclare la seconde équipe
victorieuse.
Paru en 1927. Publié le 20/02/2000.